Au parc Geisendorf, les enfants côtoient les sans-abri

Des campements de fortunes ont fait leur apparition dans l’espace vert de la Servette depuis quelques semaines. Le phénomène inquiète les parents.

  • Des matelas entassés sous l’avant-toit des toilettes publiques du parc durant la journée. TR

    Des matelas entassés sous l’avant-toit des toilettes publiques du parc durant la journée. TR

«J’essaye de ne pas trop faire attention. On passe devant eux sans les voir», avoue Gabrielle, qui ne quitte pourtant pas des yeux son fils de 8 ans qui joue avec un copain dans le parc Geisendorf, situé dans le quartier de la Servette. Dix mètres plus loin, on aperçoit une grande bâche bleue tendue dans les arbres. Chaque nuit, ce refuge de fortune protège une dizaine de familles de la pluie, notamment des femmes, des personnes âgées et des enfants. A deux pas, sous l’avant-toit des toilettes publiques qui font face à l’arrêt de bus Dôle, encore des matelas, là aussi environ une dizaine. Partout autour de ces campements improvisés, des détritus jonchent le sol, surtout des bouteilles en plastique mais aussi parfois en verre.

Enfants et parents le jour, sans-abri la nuit

Le soir, les riverains assistent à un triste spectacle: les familles présentes le jour quittent le parc, aussitôt réinvesti par celles qui y survivent la nuit. «Je viens le plus tôt possible parce que le soir on manque de sécurité», confie Mariane, 82 ans, qui se promène chaque après-midi dans le quartier. Elle aussi reconnaît essayer de ne pas voir la pauvreté. «Ça ne me dérange pas de savoir qu’ils sont là pendant la nuit, mais je préfère tout de même les éviter», admet-elle.

D’autres habitants se montrent plus critiques, à l’image de Laurent, père d’une fille scolarisée à l’école Geisendorf-Poterie. «Cette misère qui se développe à ciel ouvert partout à Genève est intolérable. Les autorités semblent incapables de régler le problème», accuse-t-il.

Patrouilles policières

Des autorités qui admettent peiner à enrayer le phénomène. «Ce parc réunit différents groupes d’individus qui peuvent avoir des comportements problématiques. Cela est connu depuis plusieurs années», confirme Cédric Waelti, porte-parole du Département de la sécurité et des sports en Ville de Genève.

Pour lutter contre les différentes nuisances, la police municipale effectue des patrouilles quotidiennes et mène des opérations avec la police cantonale dans le cadre du plan local de sécurité. Depuis le début de l’année, 24 contraventions ont été dressées, essentiellement pour des nuisances sonores et des déchets sauvages, détaille le porte-parole. Un groupe de suivi ad hoc a également été créé pour réunir, plusieurs fois par an, les différents acteurs du quartier ainsi que les autorités.

Des réunions auxquelles participe justement le directeur de l’établissement scolaire Geisendorf, Jean-Martin Keller. Devant les inquiétudes de certains parents, il rassure: «Les zones de préaux sont régulièrement nettoyées. Lorsque les élèves arrivent je n’ai pas ces problématiques à l’intérieur de l’enceinte.» Face aux questions des enfants, l’école mise sur la prévention et le dialogue. «Nous parlons avec eux, mais en évitant de stigmatiser un type de population», explique le directeur. Qui ajoute, optimiste: «Ici, nous sommes dans un vivre ensemble et nous ne voulons pas fermer cet endroit. Geisendorf a eu une réputation sulfureuse, mais nous nous battons au quotidien pour faire évoluer les choses.»

La Voirie n’enlève pas les effets personnels

«Le service de la Voirie n’intervient pas de sa propre initiative pour débarrasser ce qui pourrait constituer des effets personnels en lien avec des campements sauvages. Il le fait uniquement à la demande de la police et en sa présence», explique Mauro Lorenzi, chef de service Voirie-Ville propre. «Au quotidien, notre personnel évite le contact avec les résidents du campement

et n’entre pas dans le périmètre de vie. Dès lors, les relations avec ces derniers restent correctes et les tensions sont évitées», précise-t-il.

«Aucun incident majeur n’a été relevé pour l’heure», confirme de son côté Christina Kitsos, conseillère administrative chargée du Département de la cohésion sociale et de la solidarité (DCSS). Les collaborateurs du Service social effectuent régulièrement des tournées et distribuent du matériel de première nécessité, détaille-t-elle. Pour la magistrate socialiste, «la situation actuelle met surtout en évidence, une fois de plus, qu’à ce jour le nombre de places d’hébergement d’urgence reste insuffisant».