Dialogai a 40 ans: «On était des défricheurs»

  • Jean-Pierre Sigrist, fondateur de Dialogai. DR

    Jean-Pierre Sigrist, fondateur de Dialogai. DR

MILITANTISME • Lancer Jean-Pierre Sigrist sur le militantisme gai, c’est risquer de ne plus pouvoir l’arrêter. Pour cause: le fringant septuagénaire est l’un des fondateurs de Dialogai, l’association engagée en faveur des droits des personnes LGBTIQ+ née en 1982. Et qui s’apprête donc à fêter ses 40 printemps. «A l’époque, nous étions des défricheurs! Et la forêt était épaisse», entame-t-il. Il faut, dans les premiers temps, se battre pour la reconnaissance. «C’était la période de la libération. Quand on sort la tête de l’eau, on respire fort, ça fait du bruit, on dérange forcément un peu!» Lorsqu’il arrive à Genève, en 1968, l’homosexualité est perçue comme contre nature, voire comme une maladie. «On était les 4P: pédophile, pervers, prosélyte et provocateur! Je n’accepte que le côté provoc.» Ainsi à la fin des années 70, une poignée de militants s’incrustent dans le cortège du 1er Mai. «On portait un calicot où il était inscrit: «40h d’amour par semaine un minimum!», raconte-t-il. C’était la première gay pride en somme. On était 7! Provoquer était essentiel pour secouer le cocotier.»

Il refuse de vivre caché

Jean-Pierre Sigrist évoque notamment le certificat de bonne vie et mœurs nécessaire pour entrer, entre autres, dans la fonction publique. Ou encore ces hommes qui, cachés derrière le paravent du mariage, vivaient leur homosexualité dans des parcs à la nuit tombée. «Je ne voulais pas de cette vie-là, raconte le septuagénaire. Mon credo se résume par ces vers de Frank Wedekind: «Tu ne dois pas aimer dans l’ombre / Mais en pleine lumière, / Car celui qui aime dans l’ombre / Vit également dans l’ombre. / Malheur à l’amour / Qui meurt au regard des gens!»

Refusant de vivre caché, celui qui n’était encore qu’un jeune homme milite pour la reconnaissance. Telle est la mission première de Dialogai. «Le début des années 80 a aussi été marqué par l’arrivée du Sida. Notre association a joué un rôle déterminant de soutien aux malades. Nous avons eu la chance à Genève d’avoir une oreille attentive des autorités, notamment du conseiller d’Etat de l’époque, Guy-Olivier Segond.»

Faisant le parallèle avec la variole du singe, le septuagénaire souligne: «Le rôle de Dialogai consiste à rappeler qu’il ne faut pas retomber dans les travers consistant à discriminer et à montrer du doigt les homosexuels.»

Un combat encore d’actualité

Dans la foulée de Dialogai, en 1983, Jean-Pierre Sigrist crée l’association mixte OSEEH, l’Organisation suisse des enseignants et éducateurs homosexuels, et continue à défricher. «On a créé des clairières qui, aujourd’hui, sont devenues des jardins extraordinaires où poussent d’incroyables fleurs auxquelles nous n’avions même pas pensé.» A l’image du mariage pour tous!

«Le combat de Dialogai doit se poursuivre, notamment pour venir en aide aux 50 millions d’homosexuels persécutés dans le monde. Et surtout: on ne doit pas oublier que rien n’est acquis pour toujours», conclut Jean-Pierre Sigrist, invitant les générations futures à continuer le travail entamé il y a 40 ans déjà... MP