«Et si un conducteur avait tué un cycliste!»

Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé de la Sécurité, est remonté contre les cyclistes de la Critical Mass. Soixante d’entre eux ont pénétré sur l’autoroute vendredi 26 août, au mépris des règles de sécurité. Le président du Conseil d’Etat déplore que la justice genevoise ne délivre pas un message plus sévère à l’encontre de ces manifestants.

  • Mauro Poggia voit rouge. MP

  • Horopedia veut «mettre l’accent sur le côté humain de l’horlogerie», selon son directeur exécutif, Marc André Deschoux. 123RF

    Vendredi 26 août, une soixante de cyclistes ont pénétré sur l’autoroute. DR

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Une fois n’est pas coutume, Mauro Poggia, le conseiller d’Etat à la tête du Département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS) ne mâche pas ses mots. Dans son viseur: les cyclistes de la Critical Mass. Vendredi 26 août, une soixantaine d’entre eux ont pénétré sur l’autoroute (lire encadré). Après avoir fermé le tronçon, la police est parvenue à les repousser. Aucune interpellation n’a eu lieu. Il n’y aura vraisemblablement pas de suite judiciaire mais cela n’empêche pas le président du Conseil d’Etat de condamner fermement cette action «illicite, dangereuse et stupide». Interview.

GHI: Quelle a été votre première réaction en apprenant les événements de vendredi 26 août?
Mauro Poggia:
Des vélos sur l’autoroute, c’est du jamais-vu! Griller les feux rouges, les stops, insulter les automobilistes, tout ça, les manifestants de la Critical Mass avaient déjà fait. Mais entrer sur l’autoroute à vélo, là, ils sont passés à l’étape supplémentaire! C’est totalement irresponsable!

– Quelle a été votre crainte?
Ce n’est pas pour rien que les vélos sont interdits sur l’autoroute. Qu’aurait fait une voiture arrivant à 80 km/h dans le tunnel derrière un groupe de cyclistes à 20 km/h? Imaginez si un automobiliste avait percuté et tué un ou plusieurs cyclistes! En plus de la perte de vies humaines, il aurait eu cela sur la conscience toute sa vie.

– Qu’a fait la police?
Lorsque les policiers qui encadraient la manifestation ont vu que les cyclistes prenaient la bretelle d’entrée de l’autoroute après le P+R Etoile, deux agents de la brigade de mobilité, en scooter, ont dépassé le cortège pour les empêcher d’aller plus loin. En tête de cortège, certains cyclistes, plus véhéments, tentaient de forcer le passage, en disant: «laissez-nous passer! On sortira à la prochaine sortie.» L’un des policiers a sorti son spray au poivre tandis que l’autre les repoussait de la main. Pendant ce temps, un troisième agent en scooter qui tentait de remonter le flux des manifestants s’est fait agripper par ses vêtements. Il a réussi à se dégager à l’aide de son bâton. De son côté, le responsable de l’encadrement essayait de rejoindre le lieu de friction, avec sirène et feux bleus, mais voyait sa progression ralentie par des cyclistes zigzaguant lentement devant son véhicule.

– Comment cela s’est-il soldé?
Des agents sont restés pour bloquer la bretelle d’accès et éviter que d’autres cyclistes suivent les 50 à 60 inconscients qui s’y étaient engagés. Les barrières automatiques d’accès à l’autoroute ont été baissées. Puis, un groupe de policiers est entré par la bretelle de Perly afin de procéder à une manœuvre de refoulement. C’est ainsi que les 60 cyclistes ont dû rebrousser chemin. Une fois l’axe libéré, l’autoroute a pu rouvrir à la circulation. Trente minutes plus tard environ.

– Pourquoi n’y a-t-il eu aucune interpellation?
Les policiers n’ont pas eu le temps. Ils ont géré l’urgence, à savoir faire partir es cyclistes de l’autoroute. Il n’y avait pas les effectifs nécessaires pour procéder à des contrôles d’identité. De plus, les choses auraient pu dégénérer. Pour maîtriser un épisode comme celui-ci, il aurait fallu 100 policiers. Ils étaient 17.

– Reste que la justice venait, à nouveau, de donner raison à la Critical Mass, en acquittant l’après-midi même six d’entre eux. N’est-ce pas le signe que vous en faites trop?
Je suis effaré par cette décision. J’attends d’en connaître les motivations. Ce qui m’étonne c’est que, cette fois-ci, les contrevenants étaient poursuivis pour entrave à la circulation routière. Et non par rapport à la loi sur les manifestations sur le domaine public. Ces acquittements répétés donnent un message interprété, de mauvaise foi, par les membres de la Critical Mass comme: la justice nous donne raison; c’est l’impunité! La justice est instrumentalisée. Elle ne prend pas suffisamment au sérieux ce que cache ce type de manifestations. Ce n’est pas un rassemblement bon enfant. C’est la mise en cause de notre ordre juridique.

– Habituellement, la Critical Mass reste sur la route et en ville, pourquoi cela vous dérange-t-il autant?
Ce qui me dérange, ce n’est pas le thème de tel ou tel rassemblement ou manifestation. C’est qu’elle se déroule sans avoir fait l’objet d’une demande d’autorisation. On autorise 1300 à 1500 manifestations par an. Ce sont les seuls à ne pas vouloir se plier aux règles. Les Critical Mass n’ont jamais été interdites puisqu’elles n’ont jamais été annoncées. Elles sont donc non autorisées. Il y a fort à parier que s’ils demandaient l’autorisation, on la leur donnerait. On ne conteste pas le droit de manifester, on veut simplement savoir par où ils passent afin de pouvoir gérer le trafic, la circulation des bus, etc.

– Ils revendiquent le droit de manifester sans entrave?
C’est bien là le problème. Sous couvert d’une manifestation bon enfant, les «crypto-meneurs» visent autre chose que faire un tour en ville à bicyclette. Leur but est de dire que notre loi sur les manifestations est contraire au droit supérieur, que c’est une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Au nom de la liberté, de leur liberté, ce sont les plus autoritaires que l’on puisse imaginer! Notre loi fixe des règles qui sont les mêmes pour tous. Si elle ne plaît pas, il y a des voies démocratiques pour la changer. D'ici là il m’incombe de la faire appliquer, et je le ferai.

Chronologie de la soirée

MP • 16h30: les six prévenus, participants de la Critical Mass de juillet 2020 et poursuivis pour entrave à la circulation sont acquittés.
18h40: 300 à 400 participants de la Critical Mass se réunissent aux Grottes.
19h20: départ du cortège. Après un arrêt place des Nations, reprise à 20h22.
21h12: alors que la Critical Mass évolue sur la route des Jeunes, des cyclistes s'engagent sur l'autoroute. Ils sont une soixantaine, à vélo, sur l'autoroute.
Dans la foulée l'autoroute est fermée et la police repousse les manifestants.
21h45: l'autoroute peut rouvrir à la circulation.
22h: après avoir rejoint les Bastions, la Critical Mass se disperse.