Horlogerie et médecine alliées pour la vie

Une technologie améliore les chances de survie de nourrissons atteints de malformations cardiaques. Le micro-moteur utilisé dans ce dispositif médical est assemblé par un fabricant de montres neuchâtelois. Porté par une fondation genevoise, le projet NeoCare entre dans la phase d’industrialisation.

  • Un innovation technologique qui permet de protéger le cœur des bébés. 123RF

  • Un innovation technologique qui permet de protéger le cœur des bébés. 123RF

    Florence Porte, Caroline Kant, Béatrice Gréco, les trois fondatrices d’EspeRare. DR

Savez-vous que le savoir-faire horloger peut permettre de sauver des vies? C’est la prouesse technique qui se cache derrière le projet NeoCare. Portée par la fondation genevoise EspeRare, cette innovation permet de protéger les cœurs de bébés nés avec certaines malformations sévères. Pour faire simple, lorsqu’un nouveau-né vient au monde avec ce type de malformations et qu’il est trop fragile pour recevoir une opération de plusieurs heures à «cœur ouvert», les chirurgiens placent une sorte de bande élastique autour de l’artère pulmonaire qui amène le sang aux poumons. Le but: protéger les poumons et le cœur jusqu’à ce que l’enfant soit prêt pour la chirurgie réparatrice.

«L’enjeu est de régler précisément le débit sanguin qui arrive dans les poumons de ces bébés vulnérables, explique Florence Porte, directrice recherche et développement d’EspeRare. Aujourd’hui, il est difficile pour les chirurgiens d’ajuster ce cerclage sous anesthésie générale afin qu’il ne soit ni trop serré, ni pas assez.» En cas de problème, la seule option consiste à réopérer le bébé. Même en l’absence de complications de nouvelles interventions sont nécessaires au fur et à mesure que le bébé grandit et que son organisme se développe.

L’objectif de NeoCare est le suivant: insérer dans un dispositif médical, qui se clippe sur l’artère pulmonaire, un moteur de montre qui permet, à distance, de régler le débit sanguin.

Micromoteur fabriqué à la Chaux-de-Fonds

Les prototypes de cette technologie ont été mis au point par des ingénieurs de la Haute école d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD), basée à Yverdon-les-Bains. Le mécanisme horloger a, lui, été fabriqué par Schwarz Etienne, à la Chaux-de-Fonds (Neuchâtel). Vantant le savoir-faire de son entreprise spécialisée dans les montres de luxe, le CEO, Mauro Egermini indique: «C’est un mécanisme relativement simple mais qui demande beaucoup de précision. Or, nous travaillons sur des tolérances au micron.»

Depuis sa création, le projet bénéficie du soutien de chirurgiens cardiaques et cardiologues de renom. En particulier en Suisse romande avec le célèbre professeur René Prêtre, qui part en semi-retraite cette année après plus de dix ans à la tête du service de chirurgie cardiovasculaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Mais aussi Maurice Beghetti, directeur du Centre universitaire romand de chirurgie pédiatrique (CHUV et HUG): «Ce dispositif est très attractif pour notre pratique, le réglage du débit sanguin pulmonaire est parfois critique pour le futur de nos patients. Pouvoir régler ce débit sans réopérer, geste toujours à risque, est un énorme gain pour ces petits patients.»

Vers la commercialisation

Le besoin médical est considérable: «Dans les pays développés, les malformations cardiaques constituent l’une des premières causes de mortalité chez le nourrisson», précise Florence Porte. C’est sans compter tous les enfants concernés dans les pays en voie de développement. D’autant que là-bas, les bébés doivent souvent attendre la venue des chirurgiens spécialisés. A l’image de René Prêtre, très impliqué dans la cardiologie humanitaire, notamment au Mozambique, avec sa fondation Le petit cœur.

L’étape suivante n’est autre que le passage du prototype au produit. «Notre objectif est que cette technologie devienne un outil incontournable de chirurgie cardiaque. Pour ce faire, nous cherchons désormais un partenaire privé afin de conduire la phase d’industrialisation», souligne Florence Porte. Car, tel est l’objectif de la fondation EspeRare qu’elle et ses deux associées, Caroline Kant et Béatrice Gréco, ont créée.

Trois fondatrices déterminées

Au départ, toutes trois étaient employées de Merck Serono. A la fermeture de l’entreprise pharmaceutique à Genève, en 2013, elles profitent d’une enveloppe dédiée à financer des projets innovants pour lancer EspeRare. Toutes trois souhaitent mettre leur savoir-faire pharmaceutique au service d’enfants atteints de maladies rares en donnant une chance à des traitements pas forcément attractifs financièrement au premier abord.

Comme dans le cas de NeoCare. «Nous mobilisons de l’argent philanthropique et public pour donner une chance à ces traitements qui n’intéressent pas, au départ, les filières pharmaceutiques classiques. Puis, nous œuvrons à les rendre commercialement viables. Notre modèle, centré sur les patients et l’accessibilité aux traitements, repose sur une étroite collaboration entre les différents acteurs: associations de patients, chercheurs, cliniciens, partenaires commerciaux et autorités de santé.»

Un tout nouveau modèle situé à mi-chemin entre la philanthropie et l’industrie pharmaceutique. Reste désormais à NeoCare à franchir le dernier pas entre ces deux mondes pour pouvoir soigner des bébés grâce à la précision horlogère suisse.

Cinq francs par visiteur

MP • L’événement aura lieu les 14 et 15 septembre à Palexpo. Pour Connect in pharma, plus de 90 exposants présenteront leur activité. Il s’agit, selon les organisateurs, de «réunir des fournisseurs, des associations, des clusters et des entreprises leaders mondiales de la production pharmaceutique et biotechnologique au cœur de l’industrie pharmaceutique européenne, soit Genève». A cette occasion, cinq francs par visiteur seront reversés à la Fondation EspeRare. De quoi, comme le rappelle Caroline Kant, cofondatrice d’EspeRare, «participer au développement des traitements et des technologies qui changent la vie des patients atteints de maladies rares». Ces derniers seront mis en lumière à travers l’exposition de Ceridwen Hughes initulée Days of Rare. Elle dévoile des photos et entretiens vidéo avec des personnes atteintes de maladies rares.