L'aigle européen de retour dans nos cieux

Une commission scientifique a donné son feu vert pour la réintroduction du pygargue à queue blanche. Le rapace n’est autre que le symbole de Genève. Il a disparu de notre région depuis plus d’un siècle. Le fauconnier Jacques-Olivier Travers a mis au point un programme pour sa reproduction et son retour dans la nature. 

  • L'aigle pêcheur, qui est le symbole de Genève, a disparu de nos régions il y a cent trente ans. DR

  • Le fauconnier Jacques-Olivier Travers. DR

Imaginez un aigle, volant au-dessus de la Rade. Pas n’importe lequel: le pygargue à queue blanche. Ce majestueux rapace n’est, ni plus ni moins, que le symbole de Genève. Il s’agit de l’aigle européen disparu depuis cent trente ans de son habitat naturel, exterminé par les hommes. Le dernier couple de France métropolitaine est mort en 1892 à Thonon, sur les bords du Léman. Or, ce crime contre la nature est en passe d’être réparé. Jeudi 17juin, une commission scientifique nationale, en France, a donné son feu vert à sa réintroduction dans nos contrées. Intitulé Freedom puis Alpine Eagle Foundation (lire encadré), le projet franchit ainsi un pas décisif. Prochaine étape: la validation définitive cet automne.
Après quasi quatre heures d’examen oral sur son sujet de prédilection, le fauconnier Jacques-Olivier Travers est aux anges. Pour cause: c’est le rêve de sa vie qui s’apprête à devenir réalité. «Les membres de la commission ont salué la qualité de notre dossier et se sont prononcés pour à l’unanimité», raconte-t-il, tout sourire. 
«Ma petite pierre à l’édifice»
Le papa de Sherkan, l’aigle américain, mascotte du Genève Servette Hockey Club, a voué les quinze dernières années au retour de son cousin, le pygargue à queue blanche, dans la nature. «On l’appelle aussi l’orfraie. C’est le plus grand aigle du monde pouvant atteindre jusqu’à 2,50 mètres d’envergure», précise Jacques-Olivier Travers. Avant d’ajouter: «Si nos enfants ont un jour la chance de voir cet oiseau voler dans le ciel lémanique, j’aurai apporté ma petite pierre à l’édifice.»
Pour mener à bien ce projet fou, le fauconnier a mis au point un programme de conservation et de réintroduction de l’espèce, assorti d’opérations de sensibilisation et de communication. 
Concernant le premier volet, tout se passe aux Aigles du Léman. Dans ce parc situé à Sciez (Haute-Savoie), on s’attelle à la reproduction de ce rapace, «avec succès depuis cinq ans. On a atteint une vingtaine d’aiglons.» L’idée est ensuite de préparer ces oiseaux nés en captivité à un retour à la vie sauvage. «Cette nouvelle méthode appelée taquet parental consiste à permettre aux jeunes de passer de la volière à la nature en gardant tant que nécessaire un contact avec leurs parents», explique Jacques-Olivier Travers. 
Vol au-dessus de la Mer de glace 
«Si on veut que la réintroduction se passe bien, il faut l’accompagner d’un processus de sensibilisation de la population», souligne le fauconnier. Là encore, la méthode est innovante. Grâce à de petites caméras fixées sur leur dos, ont été tournées des images exceptionnelles de ces oiseaux s’élançant de la Tour Eiffel à Paris, du Tower Bridge à Londres, survolant la Mer de glace à Chamonix. Mais aussi, en mars 2015, de la plus haute tour du monde, la Burj Khalifa à Dubaï. Ce vol, diffusé en direct sur BBC World puis repris sur les différentes télévisions du monde, a été vu par un milliard de personnes dans les quinze jours qui ont suivi l’événement.
Pourquoi un tel battage médiatique? «L’effort de communication est essentiel pour la réussite de la réintroduction d’une espèce sauvage», insiste Jacques-Olivier Travers, ancien journaliste. Selon lui, plus le grand public connaîtra le pygargue à queue blanche, plus il acceptera son retour dans son milieu naturel. 
De quoi susciter des craintes? «Le pygargue ne représente aucun danger. Il n’a jamais attaqué l’homme», rappelle le spécialiste. Quant à un éventuel impact sur les activités de pêche, là encore, le fauconnier rassure: «Ce rapace était un maillon essentiel de la chaîne alimentaire du Léman. Sa réintroduction permettra de rééquilibrer cette dernière en exerçant une pression sur des espèces devenues invasives en son absence: cormoran, harle bièvre ou encore goélands.» Et de préciser que les pêcheurs professionnels et amateurs français ont apporté leur soutien au projet. n
Le programme prévoit de relâcher les six premiers jeunes pygargues à queue blanche en 2022. 
 

L'engagement de Chopard

Derrière le programme de réintroduction du pygargue à queue blanche, on retrouve la maison genevoise Chopard. Depuis 2019, la prestigieuse marque horlogère travaille en collaboration avec Jacques-Olivier Travers. C’est ainsi que Freedom est devenu Alpine Eagle Foundation. En sus de son engagement en faveur du retour dans la nature de l’aigle européen, Chopard a organisé l’Alpine Eagle Tour. L’aigle Victor, équipé d’une caméra, a survolé les Alpes afin de rendre compte de la fonte des glaces.