Affaire Corela SA: Mauro Poggia réclame un audit

REBONDISSEMENT • Le ministre de la Santé demande à la Finma, autorité de surveillance des assureurs privés, d’examiner toutes les expertises médicales de la clinique Corela SA. But? Traquer les abus et permettre aux assurés de faire valoir leurs droits. Explications.

  • Mauro Poggia: «Les victimes potentielles d’abus d’expertise doivent être informées.» DR

    Mauro Poggia: «Les victimes potentielles d’abus d’expertise doivent être informées.» DR

«Dans une lettre du 9 mars, j’ai demandé à la Finma, autorité de surveillance des assureurs privés, de mandater un audit indépendant aux fins d’examiner l’ensemble des rapports d’expertises médicales émis en Suisse romande par la Clinique Corela SA, aujourd’hui MedLex SA», révèle, plus pugnace que jamais, Mauro Poggia, chef du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS). Pour mémoire, le canton de Genève a retiré, fin février et pour trois mois, l’autorisation d’exploiter à la clinique genevoise spécialisée dans les expertises médicales, suspension s’appuyant sur un arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2017. En cause? «Des rapports d’expertise modifiés a posteriori à l’insu de l’expert et, de toute évidence, afin d’exposer une thèse conforme à l’assureur», pointe le magistrat.

Droits des assurés

«Selon l’enquête, 90% des expertises médicales de Corela SA étaient faites pour le compte d’assureurs privés. Or, ces derniers ne sont pas soumis au contrôle de l’Office fédéral des assurances sociales. Seule la Finma, autorité de surveillance, dispose des moyens d’investigation pour établir le pourcentage exact de situations dans lesquelles les thèses de l’assureur, à tort ou à raison, ont été retenues au détriment de celles de l’assuré», explique Mauro Poggia. Avant de préciser: «Si l’audit montre que les statistiques favorables à l’assureur sont sans commune mesure avec l’expérience de la vie, il faudra questionner les rapports entres lesdits assureurs et le bureau d’expertise genevois. Dans tous les cas, cet audit est le seul moyen de s’assurer que les victimes potentielles d’abus d’expertise soient informées de leurs droits. Et puissent demander, dans la limite des prescriptions légales et sans préjuger aucunement du bienfondé de la démarche, une révision de la décision ou une reconsidération de la prise de position», note le ministre.

Dont acte. Reste à clarifier en quoi cette procédure concerne l’Etat de Genève… «C’est avant tout une question de justice. Etre victime d’une atteinte à sa santé, avec des conséquences sur sa capacité de travail est déjà traumatisant. Se voir nier cette réalité est souvent ressenti comme une nouvelle agression qui empêche de se reconstruire. Mais il y a plus encore. Une personne à qui on refuse une rente à laquelle elle a droit n’en est pas moins invalide. C’est alors la collectivité qui doit se substituer à l’assureur, avec des conséquences lourdes sur le plan humain et financier. Cette collectivité solidaire n’est autre que le canton! Il est vraisemblable que, dans cette affaire, il ait subi un préjudice», plaide le conseiller d’Etat qui attend avec impatience la réponse de la Finma. Contactée, celle-ci se dérobe via son porte-parole: «Nous ne nous prononçons pas sur des correspondances et des affaires particulières.» Autrement dit, le dossier est loin d’être réglé.

«La clinique n’a rien à cacher.

«La clinique n’a rien à cacher. Elle est confiante. Ses expertises médicales sont faites dans les règles de l’art et en toute indépendance», clarifie d’emblée Me Nicolas Jeandin, avocat de Corela SA. Qui poursuit: «Les cas visés par l’arrêt du Tribunal fédéral sont au nombre de onze et remontent à 2011. Au-delà de ces cas particuliers sur lesquels on se focalise, l’entreprise fait entre 800 et 1000 expertises conformes par an qui ne posent aucun problème. Le fait que l’expertisé ne soit pas d’accord avec les conclusions de l’expert ou encore qu’un second expert parvienne à des conclusions différentes, est le propre de tout débat judiciaire et ne signifie aucunement que l’expert n’a pas fait son travail correctement. A toutes fins utiles, j’ajoute que la clinique conteste catégoriquement tout manque d’indépendance et considère ce type d’allégations comme diffamatoires.»