Leviathan (Andreï Zvyaguintsev)

JUSTICE • Emprisonné depuis 2009, Adlène Hicheur, physicien du CERN et enseignant à l'EPFL, a été condamné à cinq ans de détention en France. En revanche, la Suisse ne le poursuit pas.

En octobre 2009, Brice Hortefeux, ministre français de l'Intérieur, des larmes dans la voix, annonce que «la France a peut-être évité le pire». Ses services viennent d'arrêter Adlène Hicheur, un chercheur réputé, docteur en physique des particules. Il travaille au CERN à Genève et enseigne à l'EPFL à Lausanne. Comme le CERN signifie Centre européen de recherche nucléaire, on laisse entendre qu'Adlène Hicheur mettait au point une bombe atomique pour Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi)… La semaine dernière, Adlène Hicheur, poursuivi pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», a écopé à Paris de cinq ans de prison, dont un an avec sursis.

Pas de commission rogatoire

Le 19 janvier dernier, GHI, qui a eu accès à l'ordonnance de renvoi, révélait que le dossier était pratiquement vide. En fait d'association de malfaiteurs, Adlène Hicheur s'est retrouvé seul devant ses juges. La justice française ne lui a trouvé aucun complice. «Ni le moindre début d'intention de mise en œuvre d'un projet précis relatif à la préparation d'un acte de terrorisme concret», souligne Patrick Baudouin, son avocat parisien. Son seul crime: avoir tenu un discours extrémiste, pro-jihadiste sur internet. Aurélio Bay, professeur à l'EPFL, va plus loin encore: «La police fédérale n'est arrivée à l'EPFL que deux semaines après l'arrestation d'Adlène Hicheur. Elle est venue de sa propre initiative. En fait, la France a attendu cinq à six mois avant d'envoyer une commission rogatoire en Suisse!», révèle l'enseignant.

Bientôt hors de prison

Cela laisse supposer que la police et la justice françaises croyaient si peu à ce projet d'attentat qu'elles ne se sont pas précipitées pour retrouver d'éventuels plans de guerre ou du matériel subversif dans les bureaux occupés par Adlène Hicheur en Suisse. D'ailleurs, les accusations paraissaient si peu solides que le Ministère public a préféré très rapidement refermer ce dossier, après avoir interrogé une seule fois Adlène Hicheur durant sa détention.«Nous avons appris que mon père, qui avait un casier judiciaire vierge, était fiché pour simplement s'être rendu en pèlerinage à La Mecque», s'indigne Halim Hicheur, le frère du chercheur du CERN. Emprisonné depuis deux ans et demi, ce dernier devrait toutefois ne pas tarder à sortir de sa cellule.