«Si ma régie n’est pas réglo, je vais devoir retourner tapiner dans la rue ou sous la contrainte d’un tenancier de bordel des Pâquis», s’inquiète une belle-de-nuit. Sa crainte? Etre virée de l’appartement qu’elle loue pour travailler parce que son activité professionnelle n’aurait pas été correctement déclarée à la police et à sa régie.
Salons surveillés
A Genève, les quelque 140 travailleuses du sexe qui pratiquent dans des appartements locatifs privés avaient en effet jusqu’au 1er décembre 2018 pour se mettre en conformité avec la loi sur la prostitution (LProst) qui exige une autorisation du Département de la sécurité (DS). En ce qui concerne l’affectation des locaux, le Département du territoire (DT) rappelle que tout changement d’affectation de logement doit être signalé. Les prostituées doivent par conséquent annoncer à leur bailleur qu’elles utilisent une pièce d’un appartement, ou l’appartement dans sa totalité, pour y exercer leur métier. Ceci au même titre qu’un physiothérapeute, médecin ou bijoutier qui utilise son logement à des fins professionnelles. But de la manœuvre? Lutter contre la prostitution clandestine et préserver l’affectation du logement qui aurait été modifiée illégalement pour l’exercice de cette activité.
Dénonciations
Dans les faits, que risquent les contrevenants? «Les salons de massage n’ayant pas déclaré leur activité au sens de la Lprost pourront être contraints de fermer, prévient l’Etat. Concernant le lieu de l’activité, les baux d’appartement relevant du droit privé, ils ne peuvent donc pas être résiliés. En revanche, les propriétaires et bailleurs qui ne sont pas en règle avec la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR) et la Loi sur les constructions et installations diverses (LCI) seront sommés de fournir des explications et de faire en sorte que la situation redevienne conforme à l’usage et l’affectation de l’appartement en question.» Si le propriétaire ne s’exécute pas, le DT peut aussi prononcer des sanctions administratives pouvant aboutir à de lourdes amendes. Reste que ces exigences, qui visent à la fois à protéger les travailleuses du sexe contre la traite humaine et également à ne pas soustraire des appartements du marché du logement en situation de forte pénurie à Genève, inquiètent les associations de défense des prostituées. «Que vont devenir les travailleuses du sexe? s’interroge Isabelle Boillat, porte-parole d’Aspasie. Elles risquent de perdre leur lieu de travail et leur lieu de vie!»