Elle veut revivre avec son mari qui la battait

TRIBUNAL • La justice a ordonné qu’un quinquagénaire condamné pour violence conjugale ne puisse revoir son épouse durant deux ans. Mais le couple s’aime encore et désire se remettre ensemble. Explications.

  • Me Robert Assaël (en médaillon), qui défend le mari (photo prétexte), évoque une «atteinte excessive» à la liberté personnelle de son client. 123RF/ANDRIY POPOV

    Me Robert Assaël (en médaillon), qui défend le mari (photo prétexte), évoque une «atteinte excessive» à la liberté personnelle de son client. 123RF/ANDRIY POPOV

  • Me Robert Assaël, qui défend le mari, évoque une «atteinte excessive» à la liberté personnelle de son client. 123RF/ANDRIY POPOV

    Me Robert Assaël, qui défend le mari, évoque une «atteinte excessive» à la liberté personnelle de son client. 123RF/ANDRIY POPOV

C’est une histoire kafkaïenne. Celle d’un couple qui s’est marié il y a environ un quart de siècle, a eu deux enfants et vit à Genève. Ils s’aiment encore, disent-ils. Pourtant, la justice – et plus précisément le tribunal de police – a interdit à ce couple de se voir pendant deux ans.

Il frappe, elle boit

Cette histoire, il faut le dire d’emblée, c’est aussi celle de la violence dans un couple avec un homme condamné plusieurs fois pour avoir frappé sa femme, qui, elle, boit. La police genevoise est intervenue à plus de 15 reprises dans leur appartement pour des violences conjugales. Arrêté fin 2017, ce quinquagénaire a passé six mois en détention préventive. A sa sortie, interdiction lui a été faite de voir sa femme et il a dû suivre une thérapie.

Procédure de divorce suspendue

La semaine dernière, le tribunal de police l’a condamné à 18 mois de prison, sous déduction de sa détention avant jugement, pour lésions corporelles simples, voies de fait, menace. A noter que le Ministère public avait requis 18 mois de prison ferme. Outre un traitement ambulatoire, un suivi par l’association Vires (traitement et prévention de la violence au sein du couple), il lui a été fait interdiction de prendre contact avec sa femme pendant deux ans, sous réserve de rencontres familiales placées sous l’égide du Service de probation et d’insertion.

Et c’est bien là que le bât blesse, si l’on peut dire… Car Madame et Monsieur – toujours mariés – sont d’accord de revivre ensemble. Parce qu’ils s’aiment, assurent-ils. Elle a retiré sa plainte (ndlr: les faits sont poursuivis d’office) et a soigné son alcoolisme. La procédure de divorce est suspendue. Le couple dit, chacun de son côté, avoir envie de se reconstruire, ensemble. Seulement voilà. Une expertise psychiatrique indique que le quinquagénaire souffre de troubles mixtes de la personnalité avec traits dépendants, dyssociaux et narcissiques. Elle établit que si l’homme et la femme reprennent une vie commune, le risque de récidive est «assez élevé». D’où la décision du tribunal de police d’interdire au couple de se revoir.

Atteinte à la liberté personnelle

Pour Me Robert Assaël, l’avocat du mari, «le tribunal a vu juste en considérant qu’un retour en prison serait contre-productif et en favorisant sa reconstruction et son évolution favorable». En revanche, l’avocat pénaliste estime que «l’obligation faite à son client de ne plus voir sa femme pendant deux ans, alors que le couple souhaite se remettre ensemble, constitue une atteinte excessive à sa liberté personnelle, garantie par la Constitution fédérale, et ce d’autant plus que la justice lui a imposé une telle restriction depuis sa sortie de prison».

Me Robert Assaël envisage de faire appel de la décision du tribunal. Pour lui, il aurait été plus judicieux que le couple puisse se voir, «dans un premier temps, dans le cadre d’une thérapie conjugale». «La justice ne pourra pas indéfiniment leur imposer de ne pas se voir!»