Embauche des chômeurs: «La Ville traîne les pieds»

Chiffres exclusifs à l’appui, le ministre de l’Emploi accuse la Ville de Genève d’être le maillon faible de l’embauche de chômeurs résidents. Faux rétorque le maire qui précise que la municipalité est déjà fortement engagée dans ce combat depuis 2011. Rappel des principes et dispositions qui régissent la préférence indigène. Notre dossier.

  • Selon Mauro Poggia, seulement 25% des personnes engagées par la Ville de Genève venaient du chômage. Ce taux monte à 70% pour les engagements dans l’administration cantonale. DR

    Selon Mauro Poggia, seulement 25% des personnes engagées par la Ville de Genève venaient du chômage. Ce taux monte à 70% pour les engagements dans l’administration cantonale. DR

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Le torchon brûle entre la Ville de Genève et le Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS). En cause? La priorité à l’embauche des chômeurs résidents. Pour le conseiller d’Etat MCG Mauro Poggia, qui a fait de cette question son cheval de bataille, la Ville de Genève traîne les pieds. «Vos efforts dans la réinsertion des demandeurs d’emploi sont bien loin de l’objectif souhaitable», dénonce-t-il dans un courrier de début novembre, dont GHI s’est procuré une copie.

Rappel à l’ordre

Chiffres de l’Office cantonal de l’emploi (OCE) à l’appui, Mauro Poggia enfonce le clou. «En 2017, seulement 25% des personnes engagées par la Ville de Genève étaient inscrites au chômage. J’ajoute que les postes annoncés ne comportent même pas les places d’auxiliaires de moins de vingt-quatre mois. Par conséquent, ce qui semble à vos yeux une performance remarquable est aux miens un échec», dénonce-t-il. Avant de préciser à titre de comparaison «qu’en 2015, 70% des engagements dans l’administration cantonale du petit Etat ont été réalisés par des demandeurs d’emploi présentés par l’OCE. Ce taux était de 65% en 2016. Je ne peux donc que vous encourager à rappeler fermement à l’ensemble de vos départements, non seulement l’obligation d’annoncer les postes vacants, mais encore de recevoir les candidats issus de l’OCE et leur donner la priorité à compétences égales.»

Privilégier le chômeur

Un rappel à l’ordre qui n’est pas du goût de l’administration municipale. «D’abord, je m’étonne des chiffres avancés par l’Etat», répond le maire Rémy Pagani. «Pour la Ville de Genève, un taux de 25% me semble refléter une bonne politique de lutte contre le chômage», plaide-t-il. Avant de souligner: «La Ville de Genève est fortement engagée dans ce combat depuis 2011 déjà. Toutes ses procédures de recrutement favorisent les candidats à la recherche d’un emploi subissant le chômage. A compétences égales, il faut en effet privilégier un chômeur résident. Les emplois publics sont financés par l’impôt, chacun doit être en droit de postuler et d’avoir une chance de décrocher le poste. C’est le principe même d’un Etat démocratique. Dans de nombreux cas, un arbitrage délicat doit donc être exercé par l’autorité.»

Obligation d'annoncer un poste vacant

Depuis juillet 2012 pour les postes à l’Etat à Genève et fin 2014 pour les institutions de droit public et entités subventionnées, une directive oblige à annoncer les postes vacants à l’Office cantonal de l’emploi (OCE). L’office de placement peut alors présenter au maximum cinq candidatures de chômeurs ou demandeurs d’emploi. Les employeurs ont alors l’obligation de les auditionner et de les engager à compétences égales. Cette préférence cantonale à l’embauche, facultative pour les communes, vise à réduire en priorité le chômage local. A l’échelle nationale, rappelons qu’un nouveau dispositif de préférence indigène entrera en vigueur dès le 1er janvier 2018. Selon la RTS, cette mesure, adoptée par les deux Chambres du parlement suisse pour donner corps à l’initiative contre l’immigration de masse, devrait concerner un chômeur sur deux à Genève. Concrètement, il est prévu que dans des groupes professionnels affichant un taux de chômage supérieur à 8% jusqu’à fin 2019, puis 5%, les employeurs sont tenus de communiquer leurs postes vacants aux offices de placement. Durant cinq jours, les chômeurs locaux bénéficieront alors d’un accès exclusif à ces emplois.

En chiffres

553 chômeurs engagés par l’Etat

Selon les chiffres 2016 de l’Office cantonal de l’emploi, pour l’administration cantonale, sur 851 engagements, 553 demandeurs d’emploi ont été engagés, soit 65.2%.

Selon les chiffres de la Ville de Genève, sur les 3 premiers trimestres 2017, 583 postes vacants ont été annoncés et 149 demandeurs d’emploi ont été engagés, soit 25.5%.

Précision

Contrairement à ce qui a été affirmé dans l’article «Embauche des chômeurs: la Ville traîne les pieds» du 14.12.2017, la Ville de Genève tient à préciser qu’elle s’est donnée pour règle, à compétences égales, d’accorder clairement la priorité à un demandeur d’emploi. Pour la Ville de Genève, la lutte contre le chômage passe par l’application avec rigueur de cette procédure.