Les jeunes boudent moins le permis de conduire

  • Les 18-24 ans étaient 53% à posséder «le bleu» en 2015 (51% en 2010).
  • Première depuis les années 1990, leur nombre se stabilise, voire progresse légèrement.
  • Décryptage d’un rite de passage qui marque aussi un rapport plus pragmatique à l’usage de la voiture.

  • La moitié des jeunes a un permis, mais rare sont ceux qui possèdent une voiture. FRANCIS HALLER

    La moitié des jeunes a un permis, mais rare sont ceux qui possèdent une voiture. FRANCIS HALLER

«Plus on vit dans le centre-ville plus on renonce à l’automobile»

Damien Cataldi, analyste de la mobilité à la Direction générale des transports

«La saignée s’est arrêtée. Près de 53% des jeunes de 18 à 24 ans ont passé leur permis de conduire en 2015. Ils étaient 51% en 2010 et carrément 62% en 2000», chiffre avec précision Damien Cataldi, analyste de la mobilité à la Direction générale des transports. «Nous pouvons parler de stabilisation.» C’est ce qui ressort du microrecensement sur la mobilité et les transports 2015, un sondage établi par l’Office cantonal de la statistique tous les cinq ans sur un échantillonnage de près de 5000 personnes. Un premier rapport devrait être publié ces prochains mois sous le contrôle du Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (DETA).

Voiture moins ringarde?

D’après ces nouvelles données peut-on dire que l’utilisation de la voiture a cessé d’être ringarde à Genève? «C’est plus complexe, répond Damien Cataldi. Cela dépend du lieu d’habitation, en ville ou à la campagne, des infrastructures à disposition, du parcours professionnel ou de la classe sociale des personnes. Mais si on croise ces chiffres avec la nette augmentation des ménages sans voiture, ils sont passés de 20% en 2010 à 28% en 2015 dans le canton et carrément 41% en Ville de Genève, il est clair que plus on vit dans le centre plus on renonce à l’automobile. A l’avenir, les jeunes chercheront plus à utiliser un véhicule de manière occasionnelle qu’à le posséder.»

«Nous devons proposer des alternatives pratiques à tous ces jeunes conducteurs qui ne recourent à la voiture qu’en cas de nécessité», rebondit de son côté le ministre des Transports, Luc Barthassat. «Pour cela, il est essentiel de connaître l’évolution de la mobilité du futur.» Concrètement, quelles sont les mesures proposées par le DETA? «L’offre des transports publics est performante, y compris le week-end et la nuit. La voiture en libre-service se développe avec l’arrivée de Catch a Car. Il a été démontré à Bâle que pour chaque voiture louée, ce sont quatre véhicules de moins dans la circulation. Le vélo électrique et l’arrivée du scooter électrique devraient aussi accentuer la tendance. Et ce n’est pas fini. La loi sur la priorité à la mobilité douce dans l’hypercentre, largement soutenue par la population, a déjà déployé ses effets avec notamment la piste cyclable sécurisée sur le pont du Mont-Blanc. Sans parler du CEVA qui, à l’horizon 2019, devrait étoffer l’offre d’une mobilité moins tournée vers l’usage de la voiture.»

Priorité

Des alternatives indispensables d’autant que les problèmes chroniques de transport et de mobilité vont persister à Genève. Pour mémoire, rien que du côté des pendulaires, près de 630’000 personnes franchissent chaque jour les frontières en provenance ou en direction de la France et du canton de Vaud, la plupart en voiture privée. «Leur nombre a augmenté de 40% depuis l’année 2000. Agir efficacement sur la mobilité des jeunes conducteurs est donc une priorité. N’oublions pas non plus les effets de rattrapage. Aujourd’hui, près de 77% des adultes sont en possession d’un permis de conduire à Genève, cela signifie que les jeunes d’aujourd’hui passent leur permis un peu plus tard qu’auparavant», conclut Luc Barthassat.

J'ai le permis mais pas de voiture

Agathe, 24 ans, étudiante en biologie: «Comme beaucoup de jeunes de mon âge, j’ai le permis de conduire mais je n’ai pas de voiture. En ville, je préfère me déplacer en vélo ou avec les transports en commun. L’achat d’une voiture n’est pas une dépense que je peux me permettre.»

André, 22 ans, apprenti de commerce: «J’ai mon permis depuis mes 19 ans. C’est utile et pratique dans la vie de tous les jours et les voyages. Si je n’ai pas de voiture, c’est surtout que ça coûte la peau des fesses et engendre de nombreuses responsabilités. Il sera bien assez tôt de les assumer quand j’aurai un boulot avec un véritable salaire et une famille.»

Nathalie, 23 ans, universitaire: «J’ai d’autres choses à faire que de perdre mon temps dans les bouchons et polluer.»