Genève internationale: oui, mais laquelle?

DIALOGUE • Félicitons-nous d’avoir à Genève des représentants du monde entier! Mais de grâce, eux et nous, apprenons à nous connaître! Ce chemin de connaissance passe par la langue, par l’histoire et par la culture.

  • La place des Nations. Genevois et internationaux s’ignorent trop souvent. 123RF/VICTOR PELAEZ TORREZ

    La place des Nations. Genevois et internationaux s’ignorent trop souvent. 123RF/VICTOR PELAEZ TORREZ

Genève est une ville internationale. Elle ne l’est pas par nature, ne l’a pas toujours été, mais elle en est une, c’est le fruit de l’Histoire, notamment depuis le XIX siècle. En soi, c’est une chance extraordinaire. Je suis né et j’habite encore dans le quartier des Nations, j’adore m’y promener, toujours la même boucle, féerique, depuis des décennies. Il est magique de se dire qu’on arpente la deuxième ville de Suisse, et qu’on voit défiler sous nos yeux des représentants du monde entier, dans toute sa diversité.

Wilson, Churchill, Mendès France, Arafat...

Souvenirs du président Wilson, de Georges Clemenceau, Lloyd George, le Négus, Pierre Mendès France, Winston Churchill, la résistance algérienne du FLN, on pourrait multiplier à l’infini. J’ai moi-même couvert l’Assemblée générale décentralisée à Genève de l’ONU, qui accueillait en 1988 le leader historique palestinien Yasser Arafat. Oui, la dimension internationale de Genève est magique.

Mais il y a tant à faire pour en changer l’image. Genève accueille des organisations internationales, des missions permanentes, fort bien. Mais il faut dire une chose: tout ce petit monde, aussi respectable soit-il, est perçu par les Genevois comme une galaxie à part. On les voit, on les croise, on les salue à peine (eux non plus, d’ailleurs), chacun vit dans un univers séparé. Les regards, le plus souvent, s’évitent, sauf heureusement entre voisins d’immeuble, où on prend le temps de se connaître. Eh bien j’affirme ici qu’il est temps de changer l’image de la Genève internationale.

Richesse des origines

Pour cela, il faut, de part et d’autre (les Genevois, les internationaux), cheminer sur les voies de la connaissance. Ne perdons pas notre temps à nous appesantir sur l’aspect technocratique de la mission de beaucoup de ces gens. Valorisons au contraire la richesse de leurs origines, mettons-la en miroir de la nôtre, échangeons, dialoguons.

Cela passe par la culture. Quand on commencera à parler des pays d’Afrique, par exemple, rappelons leur histoire, la variété de leurs langues et de leurs coutumes, qui vont de l’empire de Tombouctou aux ultimes confins du fleuve Niger, ou du Zambèze, ou des Grands Lacs, alors là, oui, pourront surgir des étincelles de reconnaissance mutuelle. Je rends ici hommage à mon confrère Gorgui Ndoye, journaliste sénégalais, mais surtout porteur d’une conscience panafricaine qui mérite d’être relevée, interrogée, discutée.

Alors oui, allons-y pour la Genève internationale, et cette présence planétaire dans ce petit coin de terre, entre lac, Jura et Salève. Mais entamons avec les gens de tous pays un dialogue de la connaissance. Pour beaucoup de pays d’Afrique (je reviens à ce continent), nous avons une langue commune, le français. Ils nous ont légué des auteurs, comme Senghor, qui figurent au Panthéon de nos poètes.

Trésor commun

C’est de là, de ce trésor commun, celui des mots, des arts, de la musique, que doit partir la grande entreprise de reconnaissance mutuelle. Parce que, désolé, se contenter de rapporter au jour le jour les décisions technocratiques et souvent ennuyeuses de leurs organisations internationales, ça n’est pas suffisant pour le chemin de connaissance qui sied, entre frères humains, égaux, sur la planète.