La vie privée, ça existe, bordel!

PUBLIC-PRIVÉ • Se montrer critique face aux élus? Et comment! Mais en les jugeant sur leur action publique, pas sur leur vie privée. La séparation entre l’une et l’autre est capitale. Et doit être respectée.

  • Jugeons les hommes et les femmes politiques en fonction de leurs résultats, non de ce qu’ils sont  sur le plan privé. 123RF/DIRCK ERCKEN 123RF/TOMMASO LIZZUL

    Jugeons les hommes et les femmes politiques en fonction de leurs résultats, non de ce qu’ils sont sur le plan privé. 123RF/DIRCK ERCKEN 123RF/TOMMASO LIZZUL

Je dois être un homme d’une autre époque. Pour moi, les mots «vie privée» ont un sens. Et la séparation, drastique, entre existence intime, justement, et action publique. Ainsi, les politiques, les élus: autant je suis favorable à un exercice critique intransigeant de leurs actes, dans l’exercice de leurs fonctions, autant leur vie privée m’est indifférente. Je vais plus loin, et suis conscient d’être minoritaire sur ce plan: il m’est assez égal de savoir que tel ou tel aurait «fauté» sur le plan de la morale (définie par qui?), ou des convenances, s’il s’avère excellent dans l’exercice de son mandat. Ouvrons les livres d’histoire, les biographies des grands hommes: pouvez-vous m’en citer un seul dont la vie privée fût parfaite? Quelle importance? On ne le juge pas à cette aune-là, tout simplement.

«Exemplarité»!

Je dis que je dois être d’une autre époque, parce qu’aujourd’hui, sans doute sous influence américaine, nos médias ne font plus la moindre différence entre vie privée et vie publique. Sous prétexte d’«exemplarité» (dans quelle constitution, quelle charte fondamentale, quelle loi, ce concept est-il inscrit?) des élus, il faudrait que ces derniers soient parfaits. Des anges. Sans la moindre aspérité. Oui, cela nous vient des Etats-Unis, d’un certain puritanisme qui, de longue date, à vrai dire dès les premiers colons, sévit Outre-Atlantique. Et cela nous a été importé ces dernières années. Homme d’un ancien temps, je conteste absolument l’opportunité de cette importation. Je continuerai, jusqu’au bout, à juger les hommes et les femmes politiques en fonction de leurs résultats, non de ce qu’ils sont sur le plan privé.

S’il y a condamnation...

Cette volonté de résistance à l’esprit du temps m’a amené à ne pas accabler Mark Muller, pas plus que Valérie Garbani, ni Yannick Buttet. Bien sûr, s’il y a plainte pénale, que cette dernière est reçue, instruite, donne lieu à un procès, et qu’il y a un jour condamnation, l’élu devra se retirer: non parce qu’il aurait enfreint la morale, mais la loi. Eh oui, la loi, la codification qui nous est commune, que nous devons tous respecter. Mais à mes yeux, tant qu’il n’y a pas condamnation, la personne peut rester. Je me sais minoritaire à penser cela, mais l’exprime néanmoins.

Poids des réseaux sociaux

Et puis, il y a les réseaux sociaux. Le poids, de plus en plus insupportable, de la délation. Pour un rien, on dénonce. On jette l’anathème. On confond l’information avec la rumeur. On salit. Jusque dans la presse, on donne crédit à des accusations anonymes. On va jusqu’à sanctifier la catégorie «victime», sans que la justice, seule habilitée à statuer, n’ait été saisie, sans qu’une affaire ait simplement été instruite, sans qu’il y ait eu procès, encore moins condamnation. Alors, on juge, à l’emporte-pièce. En fonction de la morale ambiante, celle du moment. Sous la pression de groupes, lobbies ou corporatismes qui font régner une véritable terreur, et vouent à la damnation ceux qui ne vont pas dans leur sens. Je suis peut-être un homme d’une autre époque, mais cette dérive-là, je la rejette, de toutes mes forces.