En ce début d’année, le monde de l’entreprise est touché de plein fouet par la propagation d’Omicron, dernier variant du Covid. En date du lundi 10 janvier, le canton comptait pas moins de 20’400 malades. Résultat: les patrons croulent sous les arrêts maladie et les absences pour cause de «cas contact».
De quoi mettre en péril la bonne marche de l’entreprise. A l’image d’un restaurant contraint de réduire ses horaires d’ouverture en l’absence d’un chef testé positif ou d’une société obligée de réorganiser tout un service car la secrétaire est clouée au lit.
Risque d’absences prolongées
Derrière ce problème pratique se cachent des interrogations juridiques, principalement liées au statut vaccinal des employés. En effet, pour l’heure, les personnes non vaccinées sont soumises à une quarantaine de sept jours (les autorités genevoises envisagent de la réduire à cinq jours) si elles ont été en contact étroit ou si elles font ménage commun avec une personne infectée. Sont en revanche exemptés de cette obligation les personnes guéries ou vaccinées depuis moins de quatre mois.
De plus, s’ils attrapent le Covid, les non vaccinés risquent fort de voir leur arrêt maladie se prolonger. En somme, le risque d’absence pour les employés non vaccinés est plus important que pour les vaccinés.
D’où cette question cruciale qui revient sur le devant de la scène: un employeur peut-il exiger que ses salariés soient vaccinés? «Non, répond d’emblée Olivia Guyot Unger, directrice du service juridique de la Fédération des entreprises romandes (FER). L’employeur ne peut pas imposer le vaccin à l’exception de domaines particuliers tels que les soins médicaux et les EMS, soit des secteurs où les employés sont en contact avec des personnes vulnérables.»
Limite: le respect de la vie privée
Quid des sociétés dont les activités nécessitent un contact rapproché avec la clientèle et multiplient donc le risque infectieux? «Cela paraitrait logique que le patron ou la patronne d’un salon de coiffure ou d’un institut de beauté ou encore d’un restaurant demande à ses salariés de se faire vacciner», poursuit la juriste. Mais, de là à l’imposer, il y a un grand pas...
Idem pour le fait de présenter un test négatif pour pouvoir revenir au bureau. «L’employeur ne peut exiger un acte médical ou même une infomation relevant de la vie privée du salarié, sauf si cette information est nécessaire à l’accomplissement du travail», précise Olivia Guyot Unger.
Protéger la santé des collaborateurs
Que se passerait-il dès lors si l’employé réfractaire au vaccin (ou au test) était renvoyé? Ce licenciement serait il considéré comme abusif par le tribunal? Difficile à dire selon notre interlocutrice. «L’employeur pourrait justifier sa décision par le fait qu’il a l’obligation légale de protéger la santé de l’ensemble de ses collaborateurs et que le vaccin (ou le test) apparait comme la seule mesure proportionnée et adéquate pour atteindre cet objectif.» A noter que, de son côté, l’employé a l’obligation de collaborer comme le sous-entend d’ailleurs le terme de «collaborateur». Reste que pour le moment, la jurisprudence dans le domaine est maigre voire inexistante.
Précisons en revanche que le licenciement d’une personne qui aurait refusé de porter le masque serait, lui, licite. «Sur ce point, il y a une injonction légale des autorités. L’employeur ne fait que la mettre en œuvre. Ce qui justifie, en cas de refus caractérisé de l’employé, le licenciement», indique Olivia Guyot Unger.
Enfin, la vaccination peut-elle être une condition d’embauche? Sur ce point, les Hôpitaux universitaires de Genève ont ouvert le bal à la rentrée de 2021 en instaurant «l’obligation pour tous les nouveaux collaborateurs et collaboratrices de fournir la preuve d’une vaccination Covid et de tenir cette vaccination à jour», une mesure valable pour toute prise de fonction à partir du 1er septembre.
Dans les offres d’emploi
D’autres leur ont emboité le pas. Sur plusieurs offres d’emploi - pas forcément liées au secteur médical - on peut lire parmi les qualifications requises: «Etre vacciné.e contre le COVID19 ou s’engager à l’être dès la confirmation de l’engagement».
Là encore, se pose la question: est-ce légal? «La réponse est oui, estime Olivia Guyot Unger. Puisque cela relève du principe de liberté contractuelle.» Quel serait le recours possible d’un candidat recalé parce que non vacciné? «Il faudrait pour cela qu’il prouve que telle est bien la raison de son éviction. L’employeur pouvant tout simplement quant à lui arguer qu’il ne correspondait pas au poste», ajoute-t-elle.
Et la juriste de conclure: «Pour nombre de professions, telles que les vendeurs, les enseignants, les coiffeurs, etc. il est sain de se poser les bonnes questions par rapport à la vaccination.» Un message à peine voilé aux autorités fédérales.