Les locataires grelottent après des travaux d’isolation

Les habitants d’un immeuble à Onex se plaignent du froid dans leur logement après des travaux réalisés en 2019. Alors que la régie se défend de tout manquement, l’Asloca promet d’agir. Reportage.

  • Une locataire munie d’une bouillotte et emmitouflée dans une couverture dans son séjour. TR

    Une locataire munie d’une bouillotte et emmitouflée dans une couverture dans son séjour. TR

«C’est invivable. Cela fait deux ans qu’on se les pèle»

Denis, locataire

Dès l’entrée de l’immeuble d’une dizaine d’étages, le sujet est sur toutes les lèvres. «C’est invivable. Cela fait deux ans qu’on se les pèle», s’exaspère Denis. Ce qui glace ce père de famille qui vit avec sa femme et son fils de 9 ans au 30 rue de la Calle dans la Cité d’Onex, ce sont les courants d’air froid dans tout l’appartement depuis des travaux d’isolation en 2019. «Ici, il y a beaucoup de logements sociaux, mais ce n’est pas une raison pour nous traiter comme si on était des animaux», s’emporte-t-il.

Du vent s’engouffre

Même désarroi dans les étages de la tour. Bouillotte sur les genoux, enveloppée dans un sac de couchage, Ambre, 60 ans, nous invite dans le 4 pièces qu’elle occupe depuis trente ans. Elle est au bord des larmes. Les deux thermomètres installés dans la pièce principale n’atteignent pas les 20 degrés. «C’est notre quotidien», alerte-t-elle. Avant de préciser: «Je n’ai jamais été en retard pour payer mon loyer et j’ai accepté l’augmentation de 300 francs consécutive aux travaux.»

Une augmentation contestée par son voisin Ali, père de trois enfants. Membre de l’Association genevoise des locataires (Asloca), cet intermittent du spectacle affirme que les travaux réalisés sont de mauvaise facture. «A l’époque, l’isolation était meilleure qu’aujourd’hui. Les joints qui ont été apposés au bord des fenêtres ne protègent pas du tout», grogne-t-il. Comme tous les autres locataires mécontents, il a contacté la régie à de multiples reprises par téléphone et par écrit. Pour l’heure, sans aucun résultat.

De 19 à 20 degrés

«Si des courants d’air, qui n’existaient pas, sont constatés après des travaux, il s’agit d’une nuisance importante. Les locataires peuvent alors exiger du bailleur qu’il y remédie», affirme de son côté Christian Dandrès, juriste à l’Asloca et député au Conseil national.

Mais alors, pourquoi rien ne bouge? «Concernant la température dans les logements, le Tribunal fédéral a jugé qu’au-dessus de 18 degrés, il ne s’agissait pas d’un défaut. Plus récemment, il a considéré que le locataire était en droit d’avoir un logement chauffé à 19 ou 20 degrés», indique Christian Dandrès. Si ce n’est pas le cas, le locataire peut saisir la Commission de conciliation en matière de baux et loyers pour que le juge ordonne que le logement soit suffisamment chauffé.

Réunir les locataires

En pratique, des solutions existent. «Dans ce genre de cas, nous aidons les habitants à s’organiser en association pour donner davantage de poids à leurs revendications face aux régisseurs. Cela permet aussi d’éviter la peur des représailles», explique Christian Dandrès. Le député promet qu’une circulaire sera envoyée aux ménages de l’immeuble pour proposer une réunion. Ouverte à tout le monde, elle sera un point de départ pour résoudre les problèmes dont souffrent les locataires. Plus largement, le député plaide en faveur d’un meilleur suivi et d’un accompagnement lors de ce type de chantiers. «Aujourd’hui, les régies se contentent d’investir, souvent sans s’intéresser au résultat.» Et de conclure: «Les locataires doivent en avoir pour leur argent.»

Régie: «Que les locataires adaptent leur style de vie»

«Il n’y a aucun dysfonctionnement», assure Xavier Noël, directeur du département gérance à la régie Edouard Brun & Cie. L’agence immobilière rappelle que les températures relevées dans les appartements respectent les normes légales: 20 degrés dans les séjours, 16 à 18 degrés pour les chambres à coucher. Le directeur précise: «Nous répondons à des exigences liées à l’urgence climatique, qui nous préoccupe. Nous préconisons que les locataires adaptent leurs styles de vie à ces nouveaux enjeux.» Devant les nombreuses doléances, la régie affirme avoir pris des mesures. Ainsi, le bailleur aurait notamment demandé au chauffagiste «d’augmenter les courbes de températures». Même si elle se défend de tout manquement, la régie promet de chercher une solution. «Chaque locataire qui s’est plaint a fait l’objet d’une visite par nos services et nous mettons tout en œuvre pour mettre en place des actions», affirme Xavier Noël.