«Avec de telles hausses, cela devient très compliqué pour les entreprises de ne pas les répercuter!»
Pierre-Alain L’Hôte, président de la FMB
Du jamais vu! «L’acier n’a jamais été aussi cher. Depuis la fin de l’année dernière, c’est exponentiel!» Voilà maintenant des mois qu’Ana Roch, qui dirige la succursale genevoise de la société vaudoise Ventilogaine, voit le prix de cette matière première grimper en flèche. Le kilo qui se vendait encore moins de 1 franc à l’automne 2020 a désormais allégrement franchi la barre des 2 francs. «Si on répercute cette hausse auprès de nos clients, on ne travaille plus. D’un autre côté, en achetant la matière première à un tel prix, nos marges se réduisent comme peau de chagrin.»
Un problème auquel s’ajoute celui des délais. Car, il y a pénurie. «Les stocks d’acier sont vides. Les quotas d’importation dépassés. Et, qui plus est, nos fournisseurs n’ont aucune visibilité sur la réception de la marchandise», décrit Ana Roch.
Touchant la Suisse romande, ce manque criant d’acier est en réalité européen voire mondial. L’une des principales causes: l’arrêt des fourneaux pendant la crise sanitaire.
Mais l’acier n’est pas la seule matière première dont les prix ont explosé ces derniers mois. Et ce pour diverses raisons (lire encadré). Dans un courrier daté du 30 mars, la Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB) alertait ses membres, soit 18 associations professionnelles regroupant 1400 entreprises: «Nous observons depuis quelques semaines des hausses substantielles des prix des matériaux de construction qui concernent tous les métiers ou presque.» Et de citer une hausse au 1er juillet de certains éléments PVC (tuyaux notamment) de plus de 50%, des éléments en bois de 35%, de l’isolant polyuréthane PIR de 26% et des profilés (en métal) de 45%.
De son côté, le 19 mai, la Fédération vaudoise des entrepreneurs annonçait une légère reprise des affaires dans la construction mais précisait que «l’entier du secteur doit faire face à une pénurie de matériaux et de matières premières, ce qui allonge les délais et provoque une flambée des prix d’achat».
Prix bloqués
Le président de la FMB, Pierre-Alain L’Hôte explique: «Le principal souci, c’est que les contrats prévoient le plus souvent des prix bloqués. D’habitude, les éventuelles variations de prix sont faibles et sont du coup comprises dans le prix négocié forfaitairement. Mais avec de telles hausses, cela devient très compliqué pour les entreprises de ne pas les répercuter!» La problématique est particulièrement complexe pour les contrats en cours. Les chantiers qui s’exécutent aujourd’hui n’ont certainement pas été calculés en tenant compte des prix actuels. La FMB conseille donc à ses membres de mesurer l’impact financier réel et de chercher, dans le dialogue, une solution avec le client. Pour les futurs contrats, il s’agit de calculer l’offre de la façon la plus rigoureuse possible et de tenir compte de conséquences éventuelles sur les prix et les délais d’exécution. «Le risque, c’est que les promoteurs diffèrent certains projets en raison de l’incertitude sur les prix et les délais», poursuit le président de la FMB. De quoi craindre à moyen terme un coup d’arrêt de la construction qui pourrait avoir des répercussions sur les prix des logements mais aussi sur l’emploi dans le bâtiment. «Pour le moment, nous ne disposons pas d’information comme quoi certains métiers auraient dû stopper leur activité faute de matière première ou de fournitures, constate Pierre-Alain L’Hôte. On espère ne pas en arriver là. Et que la situation va se stabiliser d’ici la fin de l’année.»