L’Etat cultive la fibre du «consommer local»

  • La crise Covid a mis en lumière l’intérêt d’acheter des produits locaux et de qualité.
  • Le Département du territoire poursuit sur cette lancée en faisant la promotion des circuits courts.
  • But: inciter le consommateur à adopter une alimentation plus saine et plus respectueuse de l’environnement.

  • Une nouvelle boutique a vu le jour il y a quelques semaines dans le quartier des Pâquis. UMG

    Une nouvelle boutique a vu le jour il y a quelques semaines dans le quartier des Pâquis. UMG

«On doit demander aux consommateurs de faire un effort pour payer le juste prix afin d’avoir des produits de qualité»

Antonio Hodgers, conseiller d’Etat chef du Département du territoire

Avez-vous déjà cuisiné un tian? De fines tranches de courgettes vertes et jaunes entremêlées de tomates juteuses. Le tout cultivé à deux pas de la maison ou tout du moins dans le canton. Et servi, par exemple, avec un steak de bison venu des pâturages de Collex-Bossy et arrosé de Gamay vinifié dans le Mandement. De quoi mettre l’eau à la bouche! Pour promouvoir le terroir local, l’Etat et les agriculteurs mettent le paquet. Objectif: conserver les bonnes habitudes de consommation prises pendant la crise Covid.

«Durant le premier semi-confinement, du 15 mars au 15 juin 2020, la majorité des gens est restée à la maison et avait du temps à disposition, rappelle Antonio Hodgers, conseiller d’Etat à la tête du Département du territoire (DT). Il n’y avait ni la possibilité d’aller au restaurant, ni de voyager. Du coup, on a investi dans ce qui est important: la qualité de ce que l’on consomme.»

Boutiques éphémères

Prendre le temps et privilégier les produits locaux, tel était le credo. Le directeur de l’Union maraîchère genevoise (UMG), Xavier Patry, confirme: «Avec 30’000 tonnes par an, l’UMG est le plus gros vendeur de légumes. Pendant la crise sanitaire, avec la fermeture des frontières, le télétravail et les enfants à la maison, y compris le midi, on a consommé beaucoup plus de légumes. La fréquentation de nos magasins, par exemple, a plus que doublé.» Résultat: contrairement à 2018 et 2019, les stocks de marchandises de l’UMG ont été entièrement écoulés.

Du côté des vignerons, il a aussi fallu s’adapter au contexte sanitaire. Pour pallier la fermeture des bars et restaurants, l’Association genevoise des vignerons-encaveurs indépendants (Agvei) a multiplié les initiatives visant le marché local: caves ouvertes tous les samedis ou encore boutiques éphémères dans des arcades en pleine ville. «On est en train de rapatrier cette clientèle. Même si on est encore bouffé par l’importation, c’est en train de prendre», assure le président de l’Agvei, Guy Ramu, qui se veut confiant en l’avenir.

Le problème, c’est que les bonnes habitudes prises pendant la première phase de la crise n’ont pas duré. A titre d’exemple, les clients qui venaient directement à la ferme ont disparu. Il n’en reste que 5%. D’où la bienvenue, voire nécessaire, aide de l’Etat. Par exemple sous la forme de bons du terroir mis en place par le DT (lire encadré).

Le soutien de l’Etat est même inscrit dans la loi. Lors de sa session du 1er juillet 2021, le Grand Conseil a modifié la loi sur la promotion de l’agriculture. «A l’unanimité», se réjouit le conseiller d’Etat. «Le nouveau texte met l’accent sur les circuits courts, renforce la logique de souveraineté alimentaire et insiste sur la qualité des produits», résume-t-il.

Produits plus chers, pourquoi?

Il s’agit donc à la fois d’orienter les professionnels de la branche vers une agriculture durable, utilisant moins de pesticides et axée vers le bio, mais aussi de sensibiliser la population. «C’est notre rôle de parler au consommateur, de le convaincre d’adopter une alimentation plus saine et des modes de consommation plus respectueux de l’environnement», insiste Antonio Hodgers, en commençant par les restaurants scolaires. Tel est aussi l’objectif de l’association Ma-Terre, une nouvelle «maison de l’alimentation» chargée de promouvoir la logique «de la fourche à la fourchette».

Comme le rappelle le conseiller d’Etat: «En Suisse, la part du revenu des ménages consacrée à l’alimentation est de 6%. Contre 10% en moyenne pour se déplacer… On doit aussi demander aux consommateurs de faire un effort pour payer le juste prix afin d’avoir des produits de qualité.» Xavier Patry de l’UMG est lui aussi convaincu qu’il faut «expliquer pourquoi nos coûts de production sont les plus chers au monde. Soit 25% de plus qu’à Zurich». Il se réjouit du travail de promotion réalisée par les autorités via l’Office de promotion des produits agricoles de Genève (Opage). Même son de cloche du côté de Guy Ramu de l’Agvei qui précise tout de même que «c’est un travail de longue haleine».

Les bons du terroir cartonnent

Mis en place par le Département du territoire (DT), les bons du terroir connaissent un grand succès. «L’idée étant: pour la reprise, vous avez envie de faire la fête, faites-la avec des produits locaux!» souligne le conseiller d’Etat Antonio Hodgers. Ce sont près de 4 millions de francs qui ont été injectés par l’Etat pour permettre aux consommateurs de bénéficier de ces bons offrant 20% de réduction.