Nos chers amis américains

RELATIONS INTERNATIONALES • En aucun cas, notre petit pays ne doit accepter de se laisser insulter par une Commission du Congrès américain. Le Conseil fédéral a certes réagi. Mais il aurait dû aller beaucoup plus loin.

  • Une commission du congrès américain a insulté gravement notre pays. 123RF

    Une commission du congrès américain a insulté gravement notre pays. 123RF

Il y a des choses qu’aucun citoyen suisse ne peut laisser passer. En voici une, toute récente: une commission du Congrès américain vient d’insulter gravement notre pays, de s’ingérer avec une arrogante vulgarité dans nos affaires, de se permettre de nous faire la leçon, à la face du monde. Jeudi 5 mai, cette commission décrivait la Suisse comme «l’un des principaux complices du dictateur Poutine et de ses acolytes».

Le Président de la Confédération, Ignazio Cassis, a immédiatement réagi, rejetant «avec la plus grande fermeté les formulations utilisées». Non seulement il a bien fait, mais il aurait dû aller beaucoup plus loin: notre tout petit pays, fragile, riche de sa seule cohésion interne, ne peut en aucune manière recevoir un tel soufflet sans rétorquer avec la dernière des véhémences. Surtout lorsque l’insulte vient de la première puissance du monde, impérialiste à souhait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, moraliste à l’extrême. Le géant qui insulte le tout petit.

Des précédents

Les Américains n’en sont pas à leur coup d’essai. Pendant toute l’affaire des fonds en déshérence, la Suisse s’est laissée mettre sous pression, sans broncher, par tout un petit monde d’avocats d’affaires, de parlementaires en quête de lumière, gravitant autour de New York et de Washington. Le Conseil fédéral de l’époque s’était montré beaucoup trop doux, trop gentil, trop passif. Il passait son temps à courber l’échine, laissait les donneurs de leçons de la côte est nous dicter sa version de l’Histoire, les rançons qu’il espérait en tirer. Et nos courtois conseillers fédéraux filaient doux comme des enfants trop sages, pris en faute, rougissant, affrontant le destin sur la pointe des pieds, attendant le coup suivant, espérant que l’orage allait passer. Où était la fierté de la nation suisse?

Idem, quelques années plus tard, avec l’affaire du secret bancaire. Mise sous pression américaine, d’une violence insoutenable, comme si, en la matière, leur système législatif (on pense notamment à l’Etat du Delaware, dont le sénateur fut longtemps un certain… Joe Biden) avait des leçons de morale à donner au nôtre. Et là aussi, la Suisse s’est comportée en élève modèle, en un mot elle a capitulé.

La Suisse n’a pas à obéir

C’est cela, vous, que vous attendez des autorités de notre pays? Et la gauche suisse qui, de l’intérieur du pays, relayait ces pressions! Et la quasi-totalité des médias qui entonnaient comme des enfants de chœur le cantique de la docilité! Fonds en déshérence, secret bancaire: la Suisse a plié devant les Etats-Unis. Alors, pour les sanctions avec la Russie, pourquoi se gêneraient-ils de nous mettre à nouveau une pression d’enfer: les gentils Suisses finissent toujours par céder, non?

Dans l’affaire ukrainienne, les Etats-Unis, quoi qu’ils disent, sont en guerre. Ils ont même pris le commandement de la croisade contre la Russie. Notre pays n’a pas à leur obéir. Les relations entre Berne et Moscou regardent bilatéralement la Suisse et la Russie, et nulle autre puissance au monde. Nous sommes un tout petit pays. Mais si nous cédons au principal géant de la planète, alors nous ne serons vraiment plus rien.