Prêts Covid: qui trinque?

La Confédération a revu à la hausse le taux des emprunts accordés dans le cadre de la crise sanitaire. Pour comprendre qui est concerné, la Fédération des entreprises romandes a lancé un sondage. Plusieurs parlementaires, dont Céline Amaudruz, demandent au Conseil fédéral de revenir sur sa décision.

  • L’augmentation des taux d’intérêt est un choc pour nombre de petits entrepreneurs. 123RF

    L’augmentation des taux d’intérêt est un choc pour nombre de petits entrepreneurs. 123RF

«L’augmentation vous a-t-elle surpris? Vous met-elle en difficulté» ou encore «Avez-vous le sentiment que le moment choisi pour cette hausse est opportun?» Mais aussi: «La confiance d’un taux maintenu à 0% jusqu’à échéance a-t-elle compté dans votre choix de faire recours à ce prêt?» Telles sont quelques-unes des questions posées aux entrepreneurs. Avec ce sondage lancé mardi 2 mai, la Fédération des entreprises romandes (FER) espère mieux comprendre l’impact réel de l’augmentation du taux des crédits Covid.

Pour rappel, lors de sa séance du 29 mars, le Conseil fédéral a décidé de relever les taux d’intérêt à partir du 1er avril. Ceux jusqu’à 500’000 sont ainsi passés de 0% à 1,5% et ceux d’un montant supérieur de 1,5% à 2%. «Pour beaucoup, cela a été un choc, commente Véronique Kämpfen, directrice de la communication de la FER Genève. D’autant que certains ont appris la nouvelle seulement mi-avril.» Même s’il était stipulé dès le départ que le Conseil fédéral réexaminerait les prêts et adapterait éventuellement les taux chaque 31 mars.

«Le timing est hyper mauvais»

«Cela n’a pas été le cas en mars 2021 et 2022. En revanche, pour mars 2023, l’annonce a été brutale et n’a pas permis aux emprunteurs d’anticiper. Qui plus est, cela tombe dans une période pas simple en raison de l’inflation, de la hausse des salaires, de l’augmentation du prix des matières premières et du coût de l’énergie ainsi, dans certains secteurs, que de la pénurie de main-d’œuvre», poursuit Véronique Kämpfen.

De quoi susciter la colère de Françoise Sapin qui a fait un prêt Covid pour sa fiduciaire et qui compte, par ailleurs, beaucoup de gens concernés parmi ses clients. «On nous avait dit que le taux était de 0%. Et là, on a appris dans les journaux qu’il était passé à 1,5%. Le timing est hyper mauvais. On vient titiller des PME, pour lesquelles la reprise est lente et dont certaines sont déjà prises à la gorge!» Selon elle, sont particulièrement touchés: les petits artisans, des boulangers, des garagistes, des épiceries mais aussi et surtout le secteur de la restauration.

1800 fr. d’intérêts en moyenne

A l’image de Guillaume Legrand. Le patron du Studio Café a emprunté un peu plus de 33’500 francs. «Il me reste 25’000 à rembourser. Ces prêts étaient censés nous aider et deux ans plus tard, ils nous mettent une pastille!» Et d’ajouter: «On ne sait même pas si c’est 1,5% sur la somme de départ ou la somme restante…» En ce qui le concerne, le supplément est de 500 francs. Rien de colossal donc. «N’empêche que j’aurais préféré qu’ils restent dans ma poche! C’est surtout la manière de faire qui ne va pas!»

Sur les 17 milliards prêtés (soit 138’000) à l’échelle de la Suisse, 7,3 milliards ont été remboursés. Reste donc un peu moins de 60%. Sachant que le montant moyen emprunté est de 120’000 francs, les intérêts à payer s’élèvent en moyenne à 1800 fr. Voilà pour les données globales. «On entend un signal mais, on ne sait pas combien d’entreprises sont concernées, ni combien il leur reste à rembourser», explique Véronique Kämpfen.

D’où le sondage de la FER, auquel il est possible de participer jusqu’au 15 mai. «Il nous permettra d’avoir un retour du terrain et de mieux cerner le problème. Afin de voir s’il y a quelque chose à faire pour les aider.» Tout en se disant d’ores et déjà ouverte à un soutien de la proposition de report formulée par la conseillère nationale Céline Amaudruz (lire encadré), elle indique: «Même si l’objectif n’est en aucun cas de mettre l’économie sous perfusion, on peut imaginer un lissage pour certains ou un prolongement du délai.» Les résultats du sondage qui s’étend à toute la Suisse romande devraient être connus juste avant l’Ascension.

«Pourquoi ne pas reporter au 1er janvier 2024?»

MP • Plusieurs parlementaires sont déjà montés au créneau. C’est le cas, selon le Matin, des conseillers nationaux Olivier Feller (PLR/Vaud) et Sidney Kamerzin (Le Centre/Valais) qui demandent au Conseil fédéral de revenir en arrière. La conseillère nationale UDC genevoise, Céline Amaudruz, plaide, quant à elle, pour un report. «Pourquoi ne pas appliquer un taux d’intérêt le 1er janvier 2024 ou plus tard?», lance-t-elle.

«Ce qui me révolte le plus, c’est la rétroactivité. Les PME et indépendants concernés ont reçu une missive à la mi-avril qui leur annonçait que le taux était fixé de manière rétroactive au 1er avril», poursuit l’élue. «C’est un coup de poignard contre les PME et les indépendants, qui ont le sentiment d’être pris au piège. Beaucoup ont accepté cette aide et mis en place un plan de remboursement adapté en faisant confiance au Conseil fédéral. Désormais, tout est chamboulé sans consultation préalable.» D’où sa demande afin de préserver les PME, qui, souligne-t-elle, génèrent deux tiers des emplois en Suisse.