Que faire des archives oubliées sous l’Université?

PATRIMOINE • En raison du conflit ukrainien, la protection civile s’intéresse à nouveau aux abris situés sous les bâtiments de l’institution. Elle y fait parfois de drôles de découvertes…

  • Les abris situés sous l’université sont à nouveau convoités en raison de la guerre en Ukraine. Ci-dessous, une «valise piagiétienne». PHOTOS DR

    Les abris situés sous l’université sont à nouveau convoités en raison de la guerre en Ukraine. Ci-dessous, une «valise piagiétienne». PHOTOS DR

150 armoires métalliques remplies d’objets ayant appartenu aux professeurs de la Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation (FPSE), dans lesquelles on retrouve notamment les fameuses «valises piagiétiennes», contenant le matériel de tests utilisé par Jean Piaget et ses collaborateurs pour recueillir des données lors des expériences avec les enfants. Voilà le trésor qui a été redécouvert lors d’une inspection des abris antiatomiques des bâtiments de l’Université de Genève (UNIGE), Uni Dufour et Uni Mail. Des documents entreposés ici de manière informelle, au moment où les abris ne représentaient plus un enjeu pour la sécurité. Mais ça, c’était avant. Car, avec la guerre en Ukraine, ces lieux délaissés, propriété de l’Etat, sont à nouveau convoités.

«Le Service des bâtiments de l’UNIGE a effectué une visite préventive et de repérages des abris de protection civile de nos différents sous-sols. A l’heure actuelle, leur utilisation pour du stockage est autorisée», confirme le service presse. De quoi parle-t-on? «Les archives Jean Piaget regroupent des écrits du psychologue, des manuscrits, des photographies, des films et du matériel didactique ainsi qu’une importante collection de littérature secondaire suscitée par l’œuvre de Piaget», répond l’Université. D’autres objets, parmi lesquels un fauteuil ayant appartenu à l’intellectuel, pourraient faire partie du lot.

Déposées là dans les années 1990

La situation géopolitique en Europe pose un problème de taille à l’Université, contrainte de chercher des solutions pour entreposer ce patrimoine. «Si l’Etat, propriétaire des bâtiments le demandait, nous mettrions en œuvre le déplacement de ce qui est stocké vers des lieux alternatifs», rassure le service de presse, sans en dire plus sur le lieu envisagé.

D’autant que ces couloirs, transformés en véritable annexe de stockage n’ont pas été prévus pour ça. Marc Ratcliff, président de la Fondation Jean Piaget et membre de la commission du patrimoine facultaire de la FPSE, peut en témoigner. En 2008, il a participé à l’archivage de ces différents objets. «Les professeurs de la faculté avaient simplement déposé le matériel là. C’était une solution de facilité. Nous étions dans les années 1990, les abris perdaient leur signification. Presque 20 après, un inventaire s’imposait, pris en charge par une archiviste professionnelle», détaille-t-il. Un travail contraignant, notamment au regard de l’état des abris, qualifiés «d’insalubres» par notre interlocuteur. Il ajoute: «Heureusement, il y fait sec. Rien n’a été abîmé».

Libérer ces espaces

Que faire de ces archives si la situation en Ukraine venait à empirer? Pour le moment, aucune solution concrète ne semble avoir été trouvée. D’autant qu’en cas d’urgence, les délais sont courts (lire encadré). Marco Girani, chef du Service des bâtiments, finit par nous répondre: «L'accès à ces archives se fait via un grand parking propriété de l'Etat, une option pourrait être de les déplacer là-bas en cas de crise. Pour l’heure, nous n’avons pas encore fait la demande à la fondation gérant ledit parking, mais j’ose imaginer qu’en cas d’urgence absolue, nous trouverions un accord. Cela dit, si un jour nous entrons dans une véritable crise de cette nature-là, je ne pense pas que les gens auront encore besoin venir au centre-ville en voiture.»

Vidés et libérés rapidement

TR • Les demandes pour libérer les abris publics parfois utilisés comme lieux de stockage, sont effectuées par le Service de la protection civile et des affaires militaire (SPCAM), indique le Département des infrastructures. «Pour rappel, ceux-ci doivent pouvoir être mis à disposition de la population dans un temps imparti (selon la menace) et doivent donc être rendus opérationnels et vidés de tout matériel ou aménagement inadéquat dans un abri public, puisqu'ils doivent être équipés pour l'accueil de la population.», précise Karen Troll, communicante.

A noter que les visites, qui ont débuté par les abris PC situés sous les bâtiments universitaires, se poursuivront par ceux situés sous les écoles.