«Il nous faudra deux ans pour repartir comme avant»

Le Théâtre St-Gervais a dû reporter 17 spectacles depuis le début de la pandémie. Un casse-tête pour sa directrice Sandrine Kuster qui fait malgré tout preuve d’un inaltérable optimisme pour les mois à venir.

  • Sandrine Kuster est à la barre du Théâtre St-Gervais depuis 2018. ©Stéphane Chollet

Si la première vague a été celle de la sidération, la seconde aura permis à Sandrine Kuster et son équipe d’entamer une réflexion sur l’utilité même du Théâtre St-Gervais, lieu de création et de représentations d’arts vivants. Un questionnement existentiel aux nombreux enseignements selon sa directrice. Elle garde cependant l’espoir de rapidement tourner la page de cette période si compliquée. Interview.

GHI: Fermeture, réouverture, fermeture… Comment vivez-vous ce mouvement de yo-yo qui rythme le quotidien du Théâtre St-Gervais? Sandrine Kuster: Que ce soit moi ou l’équipe qui m’entoure, nous ne sommes pas en danger financier et nous ne risquons pas de perdre notre travail. Il y a donc un certain apaisement. Même si nous avons l’impression de travailler dans le vide avec une charge administrative importante. Notamment en ce qui concerne les RHT (chômage technique) et les aides financières. On lance la communication pour une nouvelle création et quelques jours après, il faut la détricoter. Bref, ce n’est pas très enrichissant d’un point de vue créatif. Le principal problème se situe au niveau des artistes qui réalisent les spectacles. Financièrement c’est compliqué. Nous nous sommes engagés à couvrir leurs cachets des dates reportées, cela nous est apparu comme normal.

– Qu’est-ce qui vous a le plus marquée depuis le début de la pandémie? La capacité d’adaptation des artistes! Franchement, c’était beau à voir. Lors du premier semi-confinement, il y a eu une période de sidération, mais les mois d’après, ils ont su trouver les ressources créatives pour imaginer de nouveaux spectacles, répéter, tout simplement retravailler en somme. Cette période n’est pas simple, mais elle nous apprend beaucoup de choses.

– Reporter tous ces spectacles, cela s’apparente à un casse-tête? Oui car il y a un effet d’embouteillage. Depuis le printemps dernier, 17 spectacles ont été reportés dont dix créations. Nous savons d’ores et déjà que la saison 2021/2022 sera constituée de nombreux reports, ce qui signifie aussi qu’il n’y aura pas de place pour de nouveaux spectacles.

– Vous avez tout de même des regrets? Oui, j’aurais souhaité que le Canton de Genève aligne les théâtres et les cinémas sur les églises et les restaurants en ce qui concerne les réouvertures. Nous avons toujours été prêts à rouvrir avec les mesures sanitaires adéquates. Nous ne sommes pas des rebelles et nous sommes prêts à nous adapter. L’autre chose qui me chiffonne, c’est qu’il y a une évidente incohérence quand on laisse des trains bondés circuler et que l’on décide de fermer les lieux culturels où les distances sont respectées. Au fil des mois, nous avons pu constater que la culture n’était pas une véritable préoccupation en Suisse et cela m’attriste.

– A court terme, quels sont vos espoirs? Que nous puissions très rapidement renouer le lien avec notre public. Nous avons des habitués qui vivent seuls et pour qui le théâtre représente leur unique sortie. Nous avons un rôle essentiel à jouer. Mais je reste optimiste pour l’après, car nous avons beaucoup réfléchi à notre rôle au sein de la société. Nous communiquerons certainement différemment. Nous allons aussi repenser nos productions et le temps consacré à la recherche créative. Nous en ressortirons grandis, j’en suis convaincue. Même s’il nous faudra deux ans pour repartir comme avant.