«La pandémie a remis le livre sur le devant de la scène»

ÉDITION • Pour faire face aux fermetures des librairies, la maison genevoise Slatkine a misé sur le digital. Une stratégie gagnante qui lui permet de traverser cette période compliquée en limitant la casse. Entretien avec son directeur, Ivan Slatkine.

  • Ivan Slatkine est le directeur de la maison d’édition Slatkine, qui a fêté son centenaire en 2018.

    Ivan Slatkine est le directeur de la maison d’édition Slatkine, qui a fêté son centenaire en 2018. ©dr

Maison d’édition, distributeur, diffuseur, mais aussi libraire, la maison Slatkine fait partie des incontournables du secteur culturel genevois. Son directeur, Ivan Slatkine, déplore les fermetures des libraires, mais note également, et c’est une bonne nouvelle, que la pandémie a mis en lumière l’importance du livre comme moyen d’évasion.

GHI: On entend assez peu les maisons d’édition. Font-elles partie des oubliés de la pandémie?
Ivan Slatkine:
Disons que la situation est particulière. Personne ne nous a imposé une éventuelle fermeture, donc nous pouvons bénéficier des RHT (indemnités liées à la réduction de l’horaire de travail) ou des prêts Covid, mais aucune autre mesure n’est à notre disposition. Alors que la fermeture des librairies nous impacte directement. Mais je ne me plains pas, je préfère agir. Avant la pandémie, nous avions déjà un site marchand, ce qui nous a permis de faire preuve de réactivité lors des divers semi-confinements. Nous avons renforcé notre stratégie digitale afin de continuer à vendre nos livres.

– Le digital vous a permis de compenser les pertes liées à la fermeture des librairies?
Non, quand même pas. Mais la demande est très forte de la part de la population. Les gens se rendent compte que lorsqu’il n’y a plus de concerts, d’événements sportifs et que tout est fermé, le livre constitue le seul moyen d’évasion. La pandémie a remis le livre sur le devant de la scène. C’est évidemment une excellente nouvelle, cela me réjouit. Le régionalisme séduit aussi de plus en plus, les gens ont besoin d’être dans la proximité, on le sent au quotidien.

– La demande se maintient depuis le printemps dernier?
Oui, nous avons surtout noté un boom des ventes l’été passé, ce qui nous a permis de compenser une partie des pertes essuyées lors du premier semi-confinement. Cela a aussi été rendu possible grâce à la qualité des livres que nous proposions.

– C’est après que la situation s’est tendue…
Oui, mais lors du semi-confinement genevois, le 2 novembre, les librairies ont pu rester ouvertes car elles étaient considérées comme essentielles. C’était une décision intelligente. Ensuite, quand la situation s’est compliquée en Suisse allemande, la décision a été prise à Berne de tout fermer. Mais il y a une différence par rapport au premier semi-confinement: les petits libraires ont désormais adopté le click&collect, certains ont des sites marchands efficaces, donc les ventes se font malgré tout. Pas comme avant, mais le marché s’est adapté. C’est une bonne chose.

– Pour les auteurs, c’est aussi une période compliquée?
Oui car le lien avec leurs lecteurs est mis à mal. Il n’y a plus de salons littéraires, de dédicaces, de débats, c’est vraiment compliqué. Certains s’en accommodent mieux que d’autres, mais tous souhaitent retrouver ce contact avec le public, c’est bien légitime.

– Comment vont se dérouler les prochains mois chez Slatkine?
Nous sommes en train de préparer la rentrée littéraire de cet automne. Il y a du pain sur la planche car nous devons décaler certains livres. Si on ressort de cette période compliquée au mois de mars, nous pourrons tenir le choc. Si cela devait encore durer, de nouvelles décisions devront forcément être prises.